Contenu :
En fin de cours, un petit historique de la gamme, puis quelques liens pour aller plus loin. Ensuite, allez aux exercices pratiques.
La musique dite « classique » est avant tout une musique tonale.
C'est à dire que toute pièce est écrite dans une tonalité précise ("Concerto en ré mineur", "Symphonie en do majeur"...)
La Tonique
Toute tonalité est construite autour d'une note principale : sa TONIQUE, également nommée « Ier degré » (car c'est la première note de la gamme choisie pour le morceau).
C'est elle qui "donne le ton" et détermine la tonalité, l'espace dans lequel se développera tout le morceau. C'est elle qui est précisée dans le titre de la pièce ("Ouverture en do mineur").
C'est un peu comme la maison, que l'on quitte pour une promenade en montagne et, après des détours vers le haut et vers le bas, où l'on revient finalement se reposer.
Ou encore notre planète Terre, sur laquelle nous sommes basés, et depuis laquelle nous observons les autres planètes (les autres degrés).
C'est le point d'équilibre du système.
Plus qu'un son unique (do par exemple), le « Ier degré » est surtout un ACCORD PARFAIT : l'accord de tonique ou de Ier degré (do-mi-sol par exemple).
Dans toute pièce tonale, cet accord est clairement énoncé dès le départ, et solidement réaffirmé à la fin du morceau.
Exemple : Emilie Mayer - Ouverture en Do mineur (1ères mesures)
L'accord de tonique, clairement présenté dès le début, devient dès lors identifiable (on le reconnaît en fin de cet extrait)...
La Dominante
Vient ensuite le second personnage le plus important : la DOMINANTE, également appelée « Ve degré » (car c'est la 5ème note de la gamme choisie : par exemple, en do majeur, la dominante est sol).
Là encore, il s'agit moins d'un son unique que d'un accord : par exemple, en do majeur, la dominante (le Ve degré) est l'accord parfait de sol (sol-si-ré).
De nombreuse raisons historiques et acoustiques expliquent tout cela. Gardons simplement à l'esprit que la tonalité est un système de tensions et de détentes, de suspensions et de repos, toujours en recherche d'équilibre.
Voici un air bien connu : "Ah ! vous dirai-je maman".
C'est ce parcours qui crée un "sentiment tonal".
« La plus ancienne date que je puisse citer pour Ah ! vous dirai-je, maman ? est 1740, puis les Folies de Coraline, pièce jouée en 1745 à la Comédie italienne. » J.-B. Weckerlin
... et les autres degrés
Viennent ensuite les autres degrés, plus ou moins importants, et qui apportent une sensation plus ou moins grande de tension ou de détente.
Certains agissent comme des « dominantes secondaires » (les « pseudo-dominantes » de différents degrés, créant avec eux de nouvelles tensions temporaires), d'autres comme des espaces de repos temporaire (créant une sensation de « presque-tonique »), etc.
C'est un peu comme dans un roman policier :
Ce type de séquence est en général imbriqué sur plusieurs niveaux dans les romans, il y a des péripéties dans les péripéties (dominantes secondaires, tonalités voisines...). C'est cet enchaînement de situations stables et de tensions qui nous tient en haleine et rend le roman intéressant. Pour articuler un récit, susciter des émotions, la musique tonale est construite de manière similaire.
"Ah ! vous dirai-je Maman", la petite mélodie vue plus haut, est un parfait exemple de ces structures "imbriquées" :
Ainsi, chaque pièce de musique tonale est une succession de cellules de forme "tension-détente", groupées en phrases de même forme, les phrases en sections, les sections en parties... jusqu'au mouvement tout entier qui adopte cette même forme. Cette autosimilarité constitue une sorte de mise en abyme (des histoires dans l'histoire).
Imaginons une balade en montagne :
C'est le parcours de toutes les pièces classiques.
Comme par exemple cet extrait d'un duo pour 2 violons de Maddalena Laura Lombardini Sirmen.
Dès l'écoute, on ressent instinctivement l'affirmation initiale de l'accord de Ier degré (l'accord de "tonique"), Do majeur, qui pose le cadre.
Puis, en lisant la partie de second violon (la « basse » affichée ici), on reconnaît parfaitement ce parcours : tonique-dominante-tons voisins-tonique.
N'oubliez pas que la première reprise est jouée...
Une tonalité est déterminée par son armure (les altérations présentes à la clef).
⮕ Avec # : Le dernier # à la clef est la sensible.
Exemples :
⮕ Avec ♭ : L'avant-dernier ♭ à la clef est la tonique.
Exemples :
Pourquoi ? C’est très simple : c’est une histoire de tétracordes.
Le tétracorde est un groupe de 4 notes conjointes (du latin tetrachordon = suite de 4 sons dont les 2 extrêmes forment une quatre - ou du grec « lyre à 4 cordes »).
Pythagore (il y a près de 25 siècles) est le « père de la gamme » par construction de tétracordes (voir à la fin de ce cours).
Une gamme majeure est formée de 2 « tétracordes » superposés (« inférieur » et « supérieur », une quinte plus haut).
Voici les 2 tétracordes formant la gamme de Do Majeur :
⮕ On note la parfaite similitude entre ces 2 tétracordes : 1 ton + 1 ton + 1/2 ton.
Conséquence : le tétracorde supérieur d’une gamme peut servir de tétracorde inférieur d’une nouvelle gamme, située plus haut.
Ainsi, le tétracorde supérieur de Do Majeur est également le tétracorde inférieur de Sol Majeur :
⮕ Le tétracorde supérieur de Sol Majeur (Ré-Mi-Fa#-Sol) nécessite l’apparition d’un FA #, afin de conserver le modèle initial (1 ton + 1 ton + 1/2 ton).
De même, le tétracorde inférieur d’une gamme peut servir de tétracorde supérieur d’une nouvelle gamme, située plus bas.
Ainsi, le tétracorde inférieur de Do Majeur est également le tétracorde supérieur de Fa Majeur :
⮕ Le tétracorde inférieur de Fa Majeur (Fa-Sol-La-Si♭) nécessite l’apparition d’un Si♭, afin de conserver le modèle initial (1 ton + 1 ton + 1/2 ton).
Cette construction des gammes par tétracordes successifs peut se poursuivre en montant (vers les dièses) comme en descendant (vers les bémols) :
Conséquence : on peut lister :
Ce n’est que par confort mnémotechnique que nous disons « le dernier dièse est la sensible » ou « l’avant dernier bémol est la tonique » ; on pourrait tout aussi bien dire, par exemple : « le denier bémol est la sous-dominante » ou « l’avant dernier dièse est la médiante », etc. (mais ce serait moins facile à retenir...)
Le plus logique serait de raisonner ainsi :
Telle gamme (par exemple LA Majeur) est située 3 quintes plus haut que DO (=>SOL-RÉ-LA) ; elle possède donc 3 dièses :
Ou encore : Telle gamme (par exemple MIb Majeur) est située 3 quintes plus bas que DO (FA-SIb-MIb) ; elle possède donc 3 bémols :
Mais cela impliquerait un chemin mental plus laborieux et moins direct…
⮕ Elle possède la même armure et se trouve une tierce en-dessous de sa tonalité majeure relative.
Exemples :
À cause de son absence de sensible, qu'il faut parfois "fabriquer", la gamme mineure présente 3 formes.
Exemple : la mineur
Ces différentes formes peuvent coexister dans un même passage.
Voici un extrait de la Suite no. 1 en Ré mineur d'Élisabeth-Claude Jacquet de la Guerre.
Toutes les formes du mineur y sont présentes tour à tour.
Moduler, c'est quitter un ton et entrer dans un autre : la modulation est une frontière.
Pour connaître le nouveau ton, il suffit de recenser toutes les altérations qu'il contient *.
Exemple (les "frontières" des modulations sont matérialisées par un trait) :
Elisabetta de Gambarini - Andante en sol mineur * - Lessons for the Harpsichord, Op. 2 No. 3
* Sur un mode de sol mineur avec 1 seul bémol à l'armure, voir l'explication dans le cours no. 4 sur les modes.
Écouter, par Margherita Torretta :
Chaque tonalité majeure possède des voisines : celles qui ont une altération de différence (une du côté des dièses, une du côté des bémols), et les tonalités mineurs relatives.
Exemple : DO MAJEUR & ses tons voisins :
Il en va de même pour une tonalité mineure : elle possède évidemment les mêmes voisines que sa relative majeure (les 2 voisines mineures, et les 3 relatives majeures).
⮕ Les tons voisins sont ceux que l'on rencontre prioritairement (voire uniquement) dans le parcours tonal d'une pièce classique (ses modulations).
Exemple : l'Andante d'Elisabetta de Gambarini, plus haut, module uniquement aux tons voisins les plus proches de sol mineur : Sib Majeur et do mineur (tous regroupés dans les 2 maisons de gauche).
Remarque : les tons voisins d'une tonalité majeure sont "présents" dans cette tonalité : ce sont tous les accords parfaits que l'on y trouve (idem en mineur évidemment).
Exemple : En DO MAJEUR, nous pouvons jouer 3 accords majeurs et 3 accords mineurs : ce sont les 1ers degrés des tons voisins (voir dessin ci-dessus).
Note | les 3 accords majeurs sont les "accords de Blues en Do Majeur" (I + IV + V du mode Majeur), |
les 3 accords mineurs sont les "accords de Blues en la mineur" (I + IV + V du relatif mineur). |
D'où vient la gamme ? D'où viennent les dièses et le bémols ?
On attribue à Pythagore la construction de la gamme occidentale.
(Même si certains paléographes y voient plutôt l'héritage des Egyptiens, ou même des Babyloniens.)
Le philosophe et mathématicien grec aurait posé, au VIe siècle avant J.C, les bases de la théorie musicale telle qu'on la connait aujourd'hui.
Pythagore considérait que tout ce qui existe dans la nature est régi par les nombres et leurs proportions, y compris l'harmonie des sons. En appliquant le principe de proportions à la musique, il a obtenu les quatre consonances fondamentales de la gamme musicale : l’unisson, l’octave, la quinte et la quarte. Il s'est ensuite servi des trois proportions pour calculer toutes les autres notes. Même si le calcul mathématique donne un résultat sonore légèrement inexact, la gamme pythagoricienne fut utilisée jusqu'au XVIIe siècle.
Dans ce scénario, Pythagore considère l'octave comme la consonance la plus « parfaite » (un son et son « double »). Puis vient la quinte (1ère harmonique « différente » d'un son fondamental).
Il "fabrique" donc chaque note de la gamme en prenant la quinte de la précédente.
Ainsi, en sautant de quinte en quinte, on finit par collectionner 7 sons différents, qu'il suffit alors de « ramener » dans le giron d'une octave : on a construit une « gamme ».
Car, pour les pythagoriciens, le 7 était un nombre sacré. (Et, plus prosaïquement, car au bout de sept sons, on tombe sur une note (Si) dont la fréquence est relativement proche de l'octave de la "tonique" de départ (Do) – à moins de 10% près – : on a ainsi "rempli" l'octave...)
Dans l'exemple ci-dessus, les 7 sons rangés en quintes, FA-DO-SOL-RÉ-LA-MI-SI, formeront la gamme de Do Majeur (do ré mi fa sol la si).
Dès lors, les nouveaux sons qui s'intègrent dans cette série "parfaite" de 7 sons (par exemple entre do et ré) devront porter des noms en "dièse" ou "bémol" (par exemple : Do #). On aurait tout aussi bien pu nommer individuellement chacun des 12 sons chromatiques.
Note : en toute logique, le dernier son aurait du être FA # (denière quinte en haut) et non FA♮ (quinte inférieure). Mais Pythagore, considérant la quarte comme une "consonance parfaite", lui préféra le FA♮ (1ère quinte en dessous), pour permettre la quarte juste DO-FA♮...
⮕ Pour aller plus loin :
Acoustique | |
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2 minutes pour comprendre la gamme Pythagoricienne | Audiofanzine (Chaîne YouTube) |
La construction de la gamme de Pythagore | Site "Assistance scolaire" |
Écriture | |
Les gammes | Gradus ad Parnassum (Chaîne YouTube d'harmonie et de contrepoint) |
Esthétique | |
Le pouvoir expressif et affectif des tonalités | France Musique |
Pourquoi la musique nous émeut-elle autant ? | Francis Wolff, Professeur émérite de philosophie, École normale supérieure |
Histoire | La Gamme Pythagoricienne | Philharmonie de Paris |
Pythagore ou les origines de la gamme | Res Musica |
Théorie | |
Comprendre (enfin) les tonalités ! | Vidéo de la chaîne Youtube "Coda" |
Musique baroque : basse continue ou basse chiffrée ? | Page du site "Les Festes de Thalie" |
La gamme en musique : c'est quoi ? | Radio France |